Vers une évolution de la profession de marchand de biens à Monaco

Vers une évolution de la profession de marchand de biens à Monaco afin de valoriser le patrimoine foncier
 

L’augmentation du nombre de marchands de biens et les avantages fiscaux dont ceux-ci bénéficient en Principauté ont incité le Conseil National à réagir. La proposition de loi n°252 relative à l’encadrement de la profession a pour objet de doter celle-ci d’un cadre législatif autonome, et de l’ériger ainsi en profession réglementée, tant dans son accès, que dans son exercice.


Définition

Les marchands de biens sont des personnes physiques ou morales, qui réalisent pour leur propre compte, à titre professionnel, habituel et spéculatif, des opérations d’achat de biens immeubles, de fonds de commerce, ou de parts sociales de société civile immobilière (SCI) en vue de les revendre et générer une plus-value, éventuellement en les réhabilitant ou en les revalorisant grâce à des travaux. En effet, les marchands de biens n’ont pas l’obligation de réaliser des travaux de rénovation.

Ils se différencient des agents et négociateurs immobiliers dans la mesure où ils sont propriétaires des biens qu’ils revendent, tandis que les deux autres sont des intermédiaires. Le métier de marchand de biens n’est pas statutairement assimilé à un métier immobilier car il n’est pas soumis à la réglementation des professions immobilières. Les marchands de biens ont le statut de commerçant et sont donc tenus par des obligations légales qui y sont liées (inscription au Répertoire du Commerce et de l’Industrie, tenue d’une comptabilité, établissement de comptes annuels...).

 

Législation

En Principauté de Monaco, l’activité de marchand de biens relève actuellement du régime de droit commun d'autorisation et de déclaration d'exercer, prévu par la loi n°1.144, du 26 juillet 1991, concernant l'exercice de certaines activités économiques, modifiée. Elle n'est donc pas régie par une loi spécifique, alors même que les autres professionnels de l'immobilier sont soumis, quant à eux, aux dispositions de la loi n°1.252 du 12 juillet 2002 sur les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce.

La profession est également soumise à la loi n°1.044 du 8 juillet 1982, au même titre que les ventes publiques de certains meubles corporels et les marchés de travaux, d’approvisionnement ou de fournitures. Cette loi précise l’exonération des droits d’enregistrement dans le cadre des opérations effectuées par les marchands de biens, sous réserve de réaliser certaines conditions (notamment celle de revendre les biens dans le délai de quatre ans).

Enfin, la loi n°1.362 du 3 août 2009 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption, soumet les marchands de biens aux obligations qu’elle prévoit.

 

Comment démarrer son activité ?

Toute activité commerciale est soumise à un régime d’autorisation préalable, sous peine de sanctions pénales. Aucune activité économique habituelle ne peut être exercée en Principauté sans y avoir été préalablement autorisée par le Gouvernement Princier. Le marchand de biens doit déposer une demande qui est assez simple et recevra la décision dans les 3 mois, qui peut être refusée.

Avec plus de 300 marchands de biens sur le territoire en 2021, cette activité est jugée « surreprésentée ». Pour cette raison, depuis le 8 janvier 2020, seules les demandes concernant des Nationaux sont potentiellement enregistrées. En effet, la profession est désormais exclusivement « réservée aux Monégasques », comme le confirme l’Expansion Economique. Une mesure qui va permettre de réguler ainsi le nombre de marchands de biens, sans pénaliser pour autant les autres, dont les non-Monégasques, qui ont déjà l’autorisation d’exercer en Principauté.

Les marchands de biens peuvent compter sur l’Association Monégasque des Marchands de Biens (AMMB), devenue officielle le 6 décembre 2019, qui accompagne ses membres concernant l’activité de marchand de biens et en général toutes les activités relatives à l’immobilier et leur impact juridique, économique, social, fiscal, financier et écologique. 

 

La responsabilité du marchand de biens

En France, en tant que vendeur professionnel, et parfois constructeur au titre des rénovations effectuées, le marchand de biens est tenu de souscrire diverses assurances du fait de son activité (assurance de responsabilité civile professionnelle, assurance de responsabilité décennale, assurance dommages-ouvrage dans le cas où les travaux supposent une garantie légale décennale, garantie de parfait achèvement, …).

A Monaco, ce n’est pas obligatoire et, de ce fait, pas ou peu d’entreprises ont souscrit une assurance spécifique pour les activités d’achat-revente de biens immobiliers après transformation ou amélioration.

 

Une fiscalité avantageuse

Même si l’activité de marchand de biens n’est pas réglementée, celle-ci bénéficie d’un régime fiscal particulier et avantageux, et ce, en vertu de la loi n°1.044 précitée.

Les opérations d’achats portant sur des immeubles, des fonds de commerce ou des actions ou parts de sociétés civiles immobilières sont exonérées du droit de mutation sous certaines conditions. Au lieu des 6% de frais de notaire et d’enregistrement sur la valeur vénale du bien, qu’il convient de régler, les marchands de biens ne paient seulement que 1,5% correspondant aux émoluments du notaire, à la condition de revendre le bien dans les 4 ans.

En cas d'acquisitions successives par différents marchands de biens, le délai imparti au premier acquéreur s'impose à chacune de ces personnes.

Par ailleurs, les marchands de biens disposent d’une option pour ne pas payer la TVA sur la marge à condition qu’ils renoncent à la récupérer, notamment dans le cadre des travaux. En résumé, si le montant de la plus-value espérée, est supérieure au montant des travaux, il est plus intéressant de s’acquitter de la TVA.

Il est important de spécifier que seules les personnes assujetties à TVA peuvent réaliser des opérations en régime fiscal de marchands de biens, c'est-à-dire que ces opérations devront forcément être faites à titre habituel et être reconnues comme professionnels, notamment par le paiement de toutes les cotisations sociales et autres taxes associées à une activité commerciale.

Dans le cas où le délai de 4 ans serait écoulé, et s’ils n’obtiennent pas de délai supplémentaire, les marchands de biens devront alors s’acquitter des 4,5% de frais de notaire économisé lors de l’achat, d’un intérêt de retard y afférent calculé au taux de l'intérêt légal, ainsi qu'un droit supplémentaire de 6%. Ces droits et intérêts de retard doivent être versés dans le mois suivant l'expiration dudit délai.

Il ne peut être envisagé de proroger de manière générale et systématique le délai légal de 4 ans imparti aux personnes concernées pour procéder à l'opération de revente.

Cela étant, les assujettis qui, à l'échéance du délai légal de 4 ans, seraient en capacité de justifier de l'existence d'une transaction immobilière en cours ou imminente (exemple : signature d'un compromis), ou de retard dans les travaux, pourront solliciter auprès du Directeur des Services Fiscaux une prorogation de ce délai. Le délai complémentaire qui serait accordé en vue de finaliser une opération de vente ne pourra, en aucun cas, excéder une durée de 12 mois.

Cas des biens immobiliers neufs : un marchand de biens peut acheter un bien neuf (de moins de cinq ans) et sera soumis aux taux applicables dans ce cas, à savoir 1% de droit d’enregistrement + 1,5% de frais de notaire, sans dérogation.

Cependant, vu qu’il ne bénéficie pas de régime plus favorable, il n’est alors pas tenu de revendre le bien considéré dans le délai de quatre ans.

 

Problématique et proposition de loi

Les avantages fiscaux indéniables procurés aux marchands de biens ont provoqué une augmentation exponentielle de leur nombre sur un marché limité et déjà très concurrentiel et, aujourd’hui la profession est largement surreprésentée en Principauté. Pour preuve, en 2011, il n’y avait que deux marchands de biens immatriculés au Registre du Commerce et de l’Industrie, quand en 2020 on en dénombrait 310.

Pour cette raison, le Gouvernement a considéré, d'une part, que ce nombre était suffisant pour permettre de répondre aux besoins de la Principauté et, d'autre part, que l'autorisation de nouveaux acteurs serait susceptible de nuire à ce secteur d'activité, et donc à une partie de l'économie. Sur un territoire de 2 km2, il apparaissait donc indispensable de contenir cette situation, pour stabiliser le marché et préserver les acteurs économiques concernés. Le Gouvernement a alors confirmé qu'il n'était pas envisageable, à ce jour, d'examiner la possibilité d'ouvrir à nouveau ce secteur d'activité à de nouvelles demandes. Il convient toutefois de préciser que cette limitation ne concerne que les personnes soumises à autorisation. En d'autres termes, celles soumises à déclaration, c'est-à-dire les Nationaux, ne sont pas impactées par cette limitation.

En outre, cette fiscalité avantageuse augmente le risque de spéculation immobilière qui pouvait en résulter. En effet, aucun montant minimal d'investissement n'étant exigé pour la réalisation des travaux de rénovation du bien acquis, il s’est avéré que certains marchands de biens réalisaient des opérations d’achat-revente, sans aucuns travaux ou alors de simples travaux de confort, en revendant le bien avec une marge importante, non taxée, et sans apporter une réelle amélioration au bien. Cette pratique concourt ainsi à une augmentation artificielle du prix de l'immobilier, dont il pourrait découler, à terme, un risque de bulle spéculative, préjudiciable à l'image de la Principauté.

Cependant, certains rénovent effectivement les appartements avec de belles prestations, proposent des produits clés en mains, et contribuent à améliorer le parc immobilier. Ils procurent également du travail aux entreprises du bâtiment, et aux architectes de la place.

Enfin, la constatation de l’absence totale de recettes fiscales perçues par l’Etat dans la majorité des opérations a également fait réagir le Conseil National. Celui-ci a adopté le 10 mai 2021, la proposition de loi n°252 relative à l’encadrement de la profession afin de la réglementer de manière autonome. En effet, selon les estimations réalisées, les recettes supplémentaires générées par ce changement législatif seraient d’environ 20 millions par an.

 Le dispositif proposé par le Conseil National tend à remplir plusieurs objectifs :

  1. Eriger la profession de marchand de biens en une nouvelle profession réglementée (de même que les autres professionnels de l’immobilier soumis aux dispositions de la loi n° 1.252 précitée) et veiller à la sécurité des transactions immobilières ;
  2. Renforcer les conditions d’accès à la profession de marchands de biens, en distinguant selon que la personne est de nationalité monégasque (mécanisme de déclaration) ou étrangère (autorisation d’exercice en s’assurant de la légitimité des demandeurs non monégasques, quant à leur expérience et professionnalisme). À ce titre, seules les personnes résidentes pourraient être autorisées, ce qui exclurait la prestation transfrontalière et la concurrence extérieure à la Principauté ;
  3. Justifier, dans le cadre de la déclaration ou de la demande d’autorisation, de l’obtention d’une garantie financière de la part d’une banque ou d’un établissement financier habilité à donner caution et ayant son siège ou sa succursale en Principauté, ainsi que la souscription d’un contrat d’assurance, couvrant les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle ;
  4. Refondre le régime fiscal spécifique et dérogatoire dont bénéficient les marchands de biens lors de l’acquisition d’un bien immobilier afin que celui-ci soit plus profitable à l’Etat et à l’économie monégasque, et inciter le marchand de biens à apporter des améliorations substantielles au bien immobilier dont il a fait l’acquisition en vue de le revendre.

L’exonération des droits de mutation serait partielle, et conditionnée notamment à la réalisation de travaux  et d’une intention de revendre dans un délai de 3 ans, éventuellement prorogeable un an.

Un droit d’enregistrement de 2,25 % de la valeur du bien acquis (ce qui correspond à la moitié du taux applicable pour les ventes de biens réalisées au profit de personnes répondant aux critères de transparence, énoncés par la loi n° 1.381 du 29 juin 2011, relative aux droits d’enregistrement exigibles sur les mutations de biens et droits immobiliers), serait ainsi appliqué, avec l’obligation de réaliser un montant de travaux à hauteur de 5 % de la valeur vénale du bien acquis.

En outre, des mesures incitatives, par des remboursements de TVA, seraient possibles, dès lors que le marchand de biens justifierait que les travaux réalisés ont été accomplis par une entreprise de la Principauté.

Par ailleurs, afin d’assurer l’effectivité du dispositif, des sanctions administratives et pénales sont prévues en cas de manquements aux dispositions de la loi.

L’objectif de ce texte est de valoriser et de protéger les professionnels, qui contribuent à produire de la valeur ajoutée et à enrichir le patrimoine immobilier monégasque parfois vieillissant, en les distinguant de ceux qui profitent d'une réglementation parcellaire et très avantageuse en la matière, au détriment des intérêts de l'Etat.

Il ne doit nullement être considéré comme un signe de défiance qui serait adressé aux marchands de biens, dont l'Etat reconnaît qu'ils peuvent contribuer au dynamisme de l'économie monégasque. Il entend, justement, faire en sorte que cette contribution soit effective, voire renforcée, et que la plus-value apportée à ces biens immobiliers soit réelle.

Si vous êtes déjà établi en Principauté en tant que marchands de biens, et que vous souhaitez effectuer de nouvelles opérations, l'équipe de Valeri Agency se fera un plaisir de vous sélectionner les biens immobiliers les plus opportuns à l'achat et/ou de les commercialiser pour vous.

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