Les professionnels de l'immobilier monégasque face à la criminalité financière

LES OBLIGATIONS DES PROFESSIONNELS DE L’IMMOBILIER MONEGASQUE EN MATIERE DE LUTTE  CONTRE LE BLANCHIMENT D’ARGENT, DE FINANCEMENT DU TERRORISME ET DE LA CORRUPTION

La Principauté de Monaco a engagé, dès 1993, une politique active dans le domaine de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (« LBC/FT ») et entend ainsi garantir aux transactions monétaires et financières un niveau de sécurité juridique conforme aux standards d’une place bancaire moderne et attractive.

 

En droit interne, Monaco a adopté un dispositif juridique pour mieux lutter contre ces activités criminelles, régulièrement amendé et renforcé, pour prendre en compte l’évolution des bonnes pratiques internationales. Ce dispositif repose aujourd’hui sur la loi n°1.362 du 3 août 2009 modifiée par la loi n°1.503 du 23 décembre 2020 renforçant le dispositif applicable aux entreprises monégasques afin de garantir une meilleure transparence des transactions financières.

 

Pour veiller à la mise en œuvre de ce dispositif, la Principauté a créé le SICCFIN (Service d’Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers), pendant du TRACFIN français, qui est l’autorité centrale nationale chargée de recueillir, analyser et traiter les déclarations d’opérations suspectes effectuées par les professionnels soumis au dispositif législatif dont les professionnels de l’immobilier, agences immobilières et marchands de biens, comme l’indique l’article 1er de la loi, aux 10° et 11°, d’autant plus que ces secteurs d’activité ont été détectés parmi les plus à risques en termes de menace et de vulnérabilité : Le SICCFIN est soumis à l’évaluation de Moneyval, un organisme du Conseil de l’Europe, qui a pour objectif d’assurer que les Etats membres ont mis en place un système efficace pour contrer le blanchiment et le financement du terrorisme et qu'ils respectent les normes internationales pertinentes dans ce domaine.

 

Le SICCFIN contrôle aussi la bonne mise en oeuvre des obligations légales de ces professionnels en effectuant des visites régulières au sein des entreprise afin de s’assurer qu’elles ont mis en place des procédures et un contrôle adéquat et qu’elles respectent bien leurs obligations de vigilance. Concrètement, comment cela se traduit-il ?

 

Dans le cadre d’un achat ou de la vente d’un bien, ou d’une location pour laquelle le loyer mensuel est égal ou supérieur à 10.000 € (ce montant a été fixé par ordonnance souveraine), le professionnel de l’immobilier monégasque a un devoir de vigilance et est contraint d’exiger certaines informations de ses clients et, le cas échéant, des bénéficiaire effectifs* de l’opération, afin de vérifier leur identité au moment de l’entrée en relation d’affaires et d’identifier l’objet, la nature, l’origine du patrimoine, des fonds impliqués et la finalité de l’opération génératrice d’un flux financier qui se noue.

*Au sens de la loi, le bénéficiaire effectif est la ou les personnes physiques qui, en dernier ressort, possèdent le client (ont plus de 25% du capital ou des droits de vote) ou le contrôlent, directement ou indirectement, ou est la ou les personnes physiques, pour lesquelles une opération est effectuée ou une activité est exercée.

Le contrôle est direct lorsque la personne physique détient elle-même des actions dans la société concernée. À l'inverse, le contrôle est indirect lorsque la personne physique détient des actions dans la société, par l'intermédiaire d'une autre société.

 

L’obligation de vigilance

Dans cette optique, l’agent immobilier ou le marchand de biens, est amené à poser des questions à ses clients et à leur demander certains documents suffisamment probants permettant de mieux les connaître, de comprendre leur motivation et de lever des doutes éventuels sur les conditions dans lesquelles ils réalisent une opération immobilière. Cette obligation de vigilance s’applique tout au long de la relation.

 

Pour les personnes physiques, ces documents sont par exemple le passeport, la carte d’identité et/ou carte de résidence, un justificatif de domicile.

 

Pour les personnes morales et les trusts, l’identification portant sur la dénomination sociale, le siège social, la détention du capital social, la liste et l’identification des dirigeants, il convient de demander les statuts, un extrait du Registre du Commerce, la pièce d’identité du représentant légal (gérant, président, director, etc…) et un justificatif de ses pouvoirs à engager la société.

Une attention particulière doit être apportée à la forme juridique d’une personne morale, sa taille ainsi que l’identité et les activités de ceux qui en détiennent le capital et la dirigent. A cette fin, le professionnel de l’immobilier est autorisé à interroger le registre des bénéficiaires effectifs de sociétés immatriculées à Monaco, consultable auprès de Direction de l’Expansion Économique.

Si c’est une société offshore ou de pays fiscalement avantageux, il faut demander le « certificate of incumbency », « certificate of good standing », « certificate of incorporation », le registre des administrateurs.

Même si des personnes morales sont interposées, les bénéficiaires économiques à identifier doivent être des personnes physiques, sauf si :

  • le client est une société cotée en bourse sur un marché réglementé ou,
  • une société pouvant faire appel public à l’épargne et située dans un Etat qui respecte et applique les règles en matière de lutte contre le blanchiment.

 

Les informations des bénéficiaires économiques à recueillir sont, outre leur identité complète (nom, prénom, nationalité, adresse, date et lieu de naissance), celles relatives aux modalités de contrôle exercé es (directement ou indirectement) et la date à laquelle la qualité de bénéficiaire économique est acquise.

 

L’étude de ces diverses informations permettent d’adapter les mesures de vigilance du professionnel de l’immobilier et de les proportionner à la situation, à savoir qu’elles peuvent être allégées ou doivent être renforcées., notamment dans ce dernier cas, si :

  • la relation d’affaires n’est pas physiquement présente lors de l’identification ;
  • il est fait recours à des tiers
  • l’opération est considérée comme particulièrement risquée par sa nature (du fait que les montants sont très élevés dans l’immobilier),
  • le caractère de l’opération est complexe et inhabituel,
  • les conditions de transactions proposées sont risquées (opérations en cash, transferts de fonds),
  • l’absence de justification économique
  • il existe une relation avec un pays « à risque » dont la liste est déterminée par arrêté ministériel ;
  • le client ou le bénéficiaire effectif est une personne politiquement exposée (PPE), qui exerce ou a exercé au cours des 12 derniers mois, dans un pays étranger ou à Monaco, des fonctions publiques importantes.
  • Sont également considérés comme PPE les membres de la famille d’une PPE et toute personne physique connue comme entretenant des liens d’affaires étroits avec la PPE. Dans ce cas, l’agent immobilier doit établir l’origine du patrimoine et l’origine des fonds impliqués dans la transaction et assurer un contrôle renforcé de la relation d’affaires sur une base continue.

 

Les obligations de l’agent immobilier ou du marchand de biens varient également selon qu’il entre en relation avec un client occasionnel ou un client habituel. Dans ce dernier cas, il peut s’agir d’un client qui procède à plusieurs opérations la même année ou encore d’un client qui projette un achat immobilier nécessitant des négociations. L’agent immobilier devra toutefois rester vigilant quant à la cohérence de l’opération réalisée avec les éléments identifiés lors de l’entrée en relation d’affaires. Il peut aussi être alerté au fil de la relation d’affaires par une réquisition judiciaire ou un gel des avoirs de son client. Dans de telles hypothèses, le risque doit être réévalué.

 

Enfin, le professionnel de l’immobilier ne doit pas établir de relation d’affaires ou la maintenir :

  • en cas d’incapacité d’identification ;
  • s’il existe des raisons de croire que la personne cherche à éviter le contact physique afin de dissimuler sa véritable identité ;
  • si des soupçons sont mis en évidence sur l’intention du client de procéder à des opérations de blanchiment ;
  • à défaut d’avoir pu remplir les obligations de vigilance.

En cas de soupçon et lorsque les mesures de vigilance viendraient à alerter le client, l’agent immobilier est autorisé à ne pas appliquer lesdites mesures, à condition de procéder, sans délai, à une déclaration de soupçon auprès du SICCFIN.

 

L’obligation de conserver les informations recueillies

Les agents immobiliers, comme tous les professionnels assujettis au dispositif, sont tenus de conserver pendant cinq ans à compter de la clôture des opérations les documents et informations, quel qu’en soit le support, relatifs à leurs relations d’affaires ou clients occasionnels, ainsi qu’aux mesures de vigilance mises en œuvre.

Les manquements au devoir de vigilance

Le non-respect de toutes ces obligations expose les professionnels de l’immobilier à des sanctions, administratives (blâme, sanction pécuniaire, interdiction d'effectuer certaines opérations, suspension temporaire ou retrait de son autorisation d'exercer) ou pénales (peines d’emprisonnement et/ou amendes) selon la nature du manquement.

En effet, le droit monégasque sanctionne pénalement "quiconque aura, par méconnaissance de ses obligations professionnelles, apporté son concours à toute opération de transfert, de placement, de dissimulation ou de conversion de biens et capitaux d'origine illicite."

 

Monaco souhaite être un exemple dans le domaine de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et s’est doté au fil des années de moyens importants afin de faire respecter les bonnes pratiques auprès des acteurs économiques locaux. Ces mesures sont prises dans l’intérêt de l’attractivité économique de la Principauté et visent à maintenir son excellente réputation.

Notre agence, Valeri Agency, se tient en permanence informée de l’évolution de ces obligations et sensibilise l’ensemble de ses collaborateurs à ces bonnes pratiques. Ainsi, un guide de procédures internes très précis a été élaboré et est actualisé régulièrement, des outils ont été déployés et des formations sont dispensées.

Nous pourrons ainsi vous accompagner tout au long de notre relation, vous assurant une transaction en toute sérénité.

Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter le site du Siccfin: https://siccfin.mc/