La convention fiscale Franco-Monégasque de 1963

La Principauté de Monaco et la France ont signé deux conventions fiscales, la première, en 1950, portant sur les règles d’imposition en matière successorale et la seconde, en 1963, portant sur règles d’imposition des revenus des personnes physiques et morales. Ces conventions, toujours en vigueur, ont été conclues chacune dans un contexte politique très différent et ont en conséquence des règles et implications différentes.


Un peu d’histoire…

Après la deuxième Guerre Mondiale, la Principauté de Monaco et la France entretiennent officiellement de bonnes relations malgré le protectorat mis en place résultant, d’une part, du traité de 1918 accordant une protection limitée par la France et, d’autre part, de la convention de 1930 qui octroie à la France des prérogatives considérables dans la gestion des affaires monégasques.

Dans un climat apaisé, la première convention fiscale a été signée le 1er avril 1950 afin d’éviter, aussi bien aux Français qu’aux Monégasques, les doubles impositions et de codifier les règles d’assistance administrative en matière successorale et aboutir ainsi à une situation équilibrée. Les biens immobiliers situés à Monaco sont ainsi soumis aux seuls droits de succession monégasques, extrêmement réduits, selon le principe que les « immeubles et droits immobiliers faisant partie de la succession d’un ressortissant de l’un des deux Etats ne sont soumis à l’impôt sur les successions que dans l’Etat où ils sont situés ». Pour les valeurs mobilières (actions, obligations, sicav et FCP, créances, etc...), ce sont aussi ces droits de succession monégasques qui s'appliquent, mais à une condition importante : que le défunt, au moment de son décès, réside à Monaco depuis au moins cinq ans.

Seules les successions sont visées par cette convention, les donations en étant exclues.

Au fil des années, cette tutelle devient pesante pour le Prince Rainier III qui a eu envie de donner une plus grande indépendance à son pays. Celui-ci s’est alors rapproché des Etats-Unis et a souhaité renégocier tous les traités signés avec la France qui accordaient à cette dernière un pouvoir d’ingérence dans la vie et les affaires monégasques. Les relations sont devenues tendues entre les deux pays menant à une crise politique et financière.

La querelle éclata en 1962 suite à la prise de contrôle monégasque d'une société audiovisuelle détenue par l'Etat français, puis au congédiement par Rainier III de son chef de Gouvernement français.

Le Général de Gaulle fit pression, déclara le blocus de Monaco et instaura un contrôle douanier à la frontière entre les deux Etats. La France dénonçait un certain nombre de conventions franco-monégasques d’ordre économique, financier, commercial, fiscal et douanier et, en particulier, reprochait à Monaco son régime fiscal qui permettait à trop de Français résidant plus ou moins régulièrement à Monaco d’échapper au fisc français.

La Principauté de Monaco fut alors obligée de faire d’importantes concessions en matière fiscale en contrepartie d’un renforcement de sa souveraineté. Après plusieurs mois de discussion, on aboutit à l’épilogue de la crise : les accords du 18 mai 1963. La France obtint de Monaco un aménagement substantiel de ses dispositions fiscales, que nous présentons ici, avec l’objectif de supprimer tous les avantages concurrentiels octroyés aux sociétés installées à Monaco et de limiter les départs des Français vers la Principauté pour y transférer leur résidence fiscale.

 

La convention fiscale du 18 mai 1963

Cette nouvelle convention, qui vise l’impôt sur le revenu, établit une véritable discrimination envers les Français qui vivent à Monaco, lesquels seront désormais traités différemment des résidents ayant une autre nationalité, qui vivent également en Principauté.

 

Elle englobe en effet la Principauté dans le champ d'application territorial de l'impôt sur le revenu français et a essentiellement pour objet de :

  • prévoir l'institution à Monaco d’un impôt sur les bénéfices réalisés par certaines sociétés ou entreprises à Monaco ;
  • définir le régime fiscal applicable aux personnes physiques de nationalité française ayant transféré leur domicile en Principauté ;
  • fixer les règles d'assistance administrative entre les deux pays.

 

  1. L’imposition des revenus des entreprises et des sociétés (Article 1er de la convention)

Du point de vue de la fiscalité, les seuls impôts directs à la charge des sociétés ou entreprises exerçant des activités sur le territoire de la Principauté sont aujourd'hui l'impôt sur les bénéfices et les droits d'enregistrement, de timbre ou d'hypothèques exigibles lors de la réalisation de certaines opérations. Les entreprises monégasques n'ont donc pas à acquitter, contrairement à leurs homologues françaises, de taxe sur les salaires (due seulement par les employeurs qui ne sont pas soumis à la TVA sur la totalité de leur chiffre d’affaires), de taxe professionnelle ou de taxe d'apprentissage.

C’est l'Ordonnance Souveraine n°3152 du 19 mars 1964, prise en application de la convention de 1963, qui a institué cet impôt sur les bénéfices mais son champ d’application ne s’étend pas à toutes les sociétés ou entreprises : seule une partie d’entre elles, à raison de la nature de leurs activités, et sous certaines conditions, est assujettie à cet impôt.

 

Conformément à l’article 2 de la convention fiscale, deux catégories d’entreprises entrent dans le champ d’application de l’impôt sur les bénéfices monégasque :

  • les entreprises qui, quelle que soit leur forme, exercent à Monaco une activité industrielle et commerciale et dont 25 % au moins du chiffre d’affaires provient d’opérations réalisées directement, ou par personnes interposées, en dehors du territoire de la Principauté.

 

Ces sociétés monégasques sont taxées sur les bénéfices sur les mêmes bases et aux mêmes tarifs qu'en France : le taux a longtemps été de 33 un tiers et s’est progressivement réduit depuis 2018 pour atteindre 25% en 2022. De même qu’en France, le taux de la TVA est de 20%.

  • les sociétés dont l'activité à Monaco consiste à percevoir des produits provenant de la cession ou de la concession de brevets, marques de fabrique, procédés ou formules de fabrication ou des produits de droits de propriété littéraire ou artistique.

 

L'impôt n'a donc pas une portée générale et les entreprises qui ne sont pas expressément visées par l'Ordonnance en sont exonérées. En dehors des deux hypothèses visées ci-dessus, aucune société ou entreprise exerçant à Monaco une activité industrielle, commerciale ou libérale ne peut être assujettie à l'impôt sur les bénéfices.

 

  1. L’imposition des revenus des personnes physiques (Article 7 de la convention)

La Principauté de Monaco ne soumet pas les personnes physiques qui ont leur domicile sur son territoire à l’impôt sur le revenu. En règle générale, les seuls impôts, directs ou indirects, qu'elles acquittent sont les droits d'enregistrement et de timbre, les droits d'hypothèques et la TVA. Les ressortissants de la Principauté ne paient ni impôts locaux, ni impôts sur le revenu, pas davantage qu'ils ne sont redevables d'une quelconque taxe sur les plus-values, sur les fortunes ou sur les donations-successions en ligne directe. Seuls les revenus de source étrangère pourront avoir subi un éventuel prélèvement à la source.

Pour les étrangers non français résidant à Monaco, la situation est exactement la même. En revanche, le cas des Français résidant ou disposant de biens à Monaco est très différent.

La convention fiscale englobe en effet la Principauté dans le champ d'application territorial de l'impôt sur le revenu français.

 

L’'article 7-1 prévoit, sous certaines conditions, de soumettre les ressortissants français domiciliés à Monaco à l’impôt sur le revenu en France à raison de l’ensemble de leurs revenus, dans les mêmes conditions que s'ils avaient leur domicile ou leur résidence en France, au sens de l’article 4B du Code Général des Impôts (CGI) français, à savoir :

  • avoir son foyer ou son lieu de séjour principal sur le territoire français, ou
  • y exercer une activité professionnelle, salariée ou non, à moins que la personne ne justifie que cette activité est exercée à titre accessoire, ou
  • avoir en France le centre de ses intérêts économiques, ou
  • être un agent de l’Etat exerçant ses fonctions ou chargé de mission dans un pays où il n’est pas soumis à un impôt personnel sur l’ensemble de ses revenus.

 

Les Français résidant à Monaco sont donc assujettis en France à l’impôt sur le revenu sur l’ensemble de leurs revenus, qu’ils soient générés en France ou ailleurs, à Monaco ou dans d’autres pays, dans les mêmes conditions que s’ils avaient leur domicile ou résidence en France. Ces Français sont :

  • ceux ayant leur résidence habituelle à Monaco depuis moins de cinq ans au 13 octobre 1962 (donc après le 13 octobre 1957) ;
  • ceux transférant leur domicile ou leur résidence à Monaco ;
  • les binationaux résidant à Monaco. Dans la mesure où l'article 7-1 de la convention vise les personnes de nationalité française, il est indifférent que ces personnes aient ou non une autre nationalité. En conséquence, seules les personnes de nationalité française ayant leur résidence habituelle continue à Monaco depuis au moins cinq ans au 13 octobre 1962 devraient demeurer hors du champ d'application de cette disposition.

 

Ces dispositions rendent la convention différente des autres conventions fiscales, la plupart prévoyant qu'une personne résidant dans un Etat contractant ne peut qu'être domiciliée fiscalement dans cet Etat au titre de son "foyer permanent d'habitation". La convention a créé un nouveau cas de domiciliation fiscale en France, non prévu par le CGI, à raison de la seule nationalité française. Le fait (la résidence à Monaco) et le droit (l'assimilation au domicile fiscal en France) ne coïncident plus. Cette convention a également la particularité de ne pas remédier aux cas de double imposition, mais au contraire d'éviter les situations de "double absence d'imposition".   

Cependant une seule exception est prévue : les nationaux français, et leurs enfants, résidents à Monaco depuis plus de cinq ans au 13 octobre 1962 (soit au 13 octobre 1957) et qui ont maintenu leur résidence dans la Principauté depuis cette date sont considérés comme des Monégasques par l'administration fiscale française, et qualifiés de « Français privilégiés ».

Le Conseil d’État a de plus jugé en 2014 que n’entrent pas dans le champ d’application de cet article 7-1 les Français nés à Monaco et y ayant constamment résidé depuis leur naissance (“Enfants du Pays”) quelle qu’en soit la date. Ils peuvent demander un certificat de domicile qui permet d’avoir le statut de Français privilégié. Il convient de noter que toute interruption de résidence permanente et habituelle à Monaco, quel que soit le pays dans lequel le domicile est transféré, fait perdre aux intéressés le bénéfice de ce certificat. De même, ce certificat doit être suspendu tant que le bénéficiaire, bien que conservant sa résidence habituelle à Monaco, relève de l’un des autres critères de l’article 4B du CGI. Sont visés les ressortissants français qui ont en France leur principale activité professionnelle ou le centre de leurs intérêts économiques.

Ce sont donc les seuls Français qui pourront échapper à l'impôt. Continuant comme par le passé à être considérés comme domiciliés hors de France, ils ne sont éventuellement passibles de l'impôt en France que sur leurs revenus français, s’ils en ont.

 

Il y a également plusieurs cas particuliers de Français installés après le 13 octobre 1957 en Principauté et qui ne sont pas redevables de l’impôt sur le revenu en France sauf sur leurs revenus de source française, s’ils en ont :

  • les personnes faisant partie de la Maison Souveraine ;
  • les fonctionnaires, agents et employés des services publics de la Principauté qui ont établi leur résidence habituelle à Monaco antérieurement au 13 octobre 1962 (statut maintenu quand ils sont à la retraite mais retiré lorsqu’ils perdent leur qualité) ;
  • les personnes qui ont la double nationalité franco-monégasque puisque la nationalité monégasque prime ;
  • les Français qui se sont mariés avec des Monégasques ou avec une personne française qui a le statut de Français privilégié ou encore avec une personne de nationalité étrangère, mais certaines conditions doivent être réunies pour échapper à l’impôt sur le revenu sur des revenus de sources autres que françaises ;
  • les personnes qui ont une double nationalité française et étrangère autre que monégasque, à la condition d’être installées en Principauté avant le 29 décembre 1995 et d’avoir accompli des démarches administratives avant le 31 décembre 1996 ;

 

Enfin, il faut préciser que les ressortissants monégasques résidant en Principauté et exerçant en France une activité professionnelle ou y ayant le centre de leurs intérêts professionnels ne seraient pas soumis à l’impôt sur le revenu pour leurs revenus perçus à Monaco, sous réserve que ces revenus soient indépendants de leurs activités exercées sur le territoire français.

En revanche, les personnes de nationalité monégasque qui exercent des activités en France et y ont leur foyer ou leur lieu de séjour principal au sens de l’article 4B du CGI précité sont soumises à une obligation fiscale illimitée en France.

 

Le cas du patrimoine et des revenus immobiliers

En plus des revenus, la convention fiscale prévoit également l’assujétissement à l'impôt de solidarité sur la fortune, qui n’existe plus depuis le 1er janvier 2018, remplacé par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). La convention fiscale de 1963 traite de cet impôt désormais.

 

L’article 7-3 prévoit que les personnes physiques de nationalité française qui ont transporté leur domicile ou leur résidence à Monaco à compter du 1er janvier 1989 sont assujetties, à compter du 1er janvier 2002, à cet impôt, en France dans les mêmes conditions que si elles y avaient leur domicile ou leur résidence. L'imposition porte donc sur l'ensemble de leurs biens entrant dans l'assiette de cet impôt, qu'ils soient situés en France ou à l'étranger, y compris à Monaco (incluant l’ensemble de leurs revenus fonciers et patrimoniaux).

Les personnes établies à Monaco avant le 1er janvier 1989 ne sont assujetties à l’impôt sur la fortune immobilière qu'à raison de leurs biens situés en France, dans les mêmes conditions que les personnes fiscalement domiciliées hors de France.

Les Français nés à Monaco et y ayant constamment maintenu leur résidence depuis leur naissance sont également considérés au regard de l'impôt sur la fortune comme des personnes fiscalement domiciliées hors de France, sous réserve de la production d'un certificat de domicile.

Le régime fiscal des revenus mis en place par la convention ne traite pas des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et assimilés, à savoir la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), pour les Français résidant à Monaco.

En revanche, ils font l’objet d’une décision du Conseil d’Etat en date du 10 novembre 2004 dont il résulte que « les personnes physiques de nationalité française résidant à Monaco qui sont, en vertu de l’article 7-1 de la convention, considérées comme fiscalement domiciliées en France, ne peuvent être assujetties aux prélèvements sociaux » (qui sont de 17,20 % en France et qui s’appliquent sur des revenus de patrimoine).

 

Cependant, le Conseil d’Etat a jugé aussi qu’une personne qui n’entre dans aucun des critères de résidence évoqués à l’article 4B du CGI ne va pas être assujettie aux prélèvements sociaux sur la base des revenus du patrimoine mondial mais uniquement sur des revenus de patrimoine immobilier français à l’exception des plus-values immobilières françaises.

Quant aux personnes de nationalité française placées hors du champ d’application de l’alinéa 1er de l’article 7-1 de la convention (Français privilégiés par exemple), elles ne sont, en principe, assujetties à l’impôt sur le revenu en France qu’à raison de leurs revenus de source française.

Notamment, en ce qui concerne les revenus immobiliers, seuls ceux de source française sont pris en compte pour l'établissement de l'impôt sur le revenu. Ainsi, les revenus de location de biens immobiliers sis en France sont imposables au barème progressif de l'impôt sur le revenu.

 

En résumé, qu'ils soient ou non fiscalisés en France, les Français résidant à Monaco ne doivent s’acquitter des prélèvements sociaux que sur leurs seuls revenus immobiliers de source française (revenus fonciers), et non pas sur leurs revenus d’activités, sur leurs revenus du patrimoine ou de leurs produits de placement (revenu du capital).

En vertu de tout ce qui précède, il convient d’étudier sa situation avec l’aide d’un expert en fiscalité car l’interprétation et l’application de la convention de 1963 ne sont pas toujours aisées.

 

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