Mesures d’anti-blanchiment et de financement du terrorisme : Monaco placé en surveillance renforcée

 

Le 23 janvier 2023, le Comité d’experts sur l’évaluation des mesures d’anti-blanchiment et le financement du terrorisme, Moneyval (organe de suivi permanent du Conseil de l’Europe créé en 1997), a rendu public son Cinquième Rapport d’évaluation des mesures prises en Principauté de Monaco.

 

Moneyval est chargé d’apprécier la conformité aux principales normes internationales en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et contre le financement du terrorisme et d’apprécier l’efficacité de l’application de ces normes, ainsi que de faire des recommandations aux pays membres concernant les améliorations nécessaires à leurs systèmes dans l’optique d’améliorer efficacement leurs capacités de lutter contre ces risques, conformément aux quarante recommandations du GAFI (Groupe d'action financière, organisme intergouvernemental de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme).

Le Conseil de l’Europe a été la première organisation internationale à souligner la nécessité de prendre des mesures dans le but de parer aux dangers que le blanchiment de capitaux représente pour la démocratie et la primauté du droit. En effet, le blanchiment de l'argent, c'est à dire le processus par lequel les délinquants donnent une apparence de légitimité à la source de produits du crime, constitue un phénomène en voie d'expansion et d'internationalisation croissante. En outre, les groupes terroristes organisés font également un usage abusif du système financier mondial pour financer leurs opérations illégales, d'où un grave risque pour les institutions financières d'être utilisées pour dissimuler l'argent du terrorisme.

 

Le rapport fait état de risques importants de blanchiment d’argent auxquels Monaco est confronté, principalement en raison des « activités financières orientées à l’internationale ». La Principauté est une potentielle « cible de choix » pour les flux financiers transfrontaliers illicites, selon le Conseil de l’Europe. En substance, les fraudes seraient commises à l’étranger, tandis que le produit du crime serait blanchi à Monaco.

 

Moneyval a mis en évidence certainesvulnérabilités des mesures prises par la Principauté de Monaco, et proposé diverses améliorations nécessaires au système monégasque, au risque de glisser à nouveau dans une liste grise dressée par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) et qui a vocation à être publique. En effet, le pays figurait sur la liste grise des pays dits « non coopératifs » jusqu’en 2009 et le G20 avait également placé Monaco sur la liste grise des paradis fiscaux en avril 2009.

Monaco est aujourd’hui placé sous la surveillance du mécanisme de contrôle du GAFI, ce qui signifie que le pays s’est engagé à résoudre rapidement les défaillances stratégiques identifiées dans les délais convenus, en l’occurrence en mars 2024.

 

Bien que la Principauté de Monaco ne se soit jamais retrouvée au cœur d’une affaire internationale en matière de blanchiment de capitaux ou financement du terrorisme, elle se voit reprocher un nombre d'enquêtes « modestes » en matière de blanchiment de capitaux, et un « très faible nombre de condamnations obtenues, ainsi qu'un nombre encore plus réduit de mesures de confiscation ordonnées ». En matière de financement du terrorisme, le rapport exige "des améliorations majeures concernant la transparence des personnes morales, ainsi que les enquêtes et les poursuites".

Des améliorations majeures sont également nécessaires pour renforcer l'efficacité de la Principauté en matière de coopération internationale". Le rapport indique que les demandes d'extradition adressées à Monaco sont rejetées dans un cas sur deux.

 

Nonobstant ces reproches, Moneyval "reconnaît le travail considérable entrepris par Monaco dans l'identification des risques" liés au blanchiment d'argent. Mais "des approfondissements sont nécessaires" dans certains secteurs, notamment celui des casinos, des prestataires de services aux entreprises, des actifs virtuels de même que sur les flux financiers. Moneyval convient également que “globalement, le cadre juridique monégasque est adapté à la mise en œuvre de sanctions financières ciblées au niveau international, européen et national, et le nouveau système mis en place en Principauté commence à démontrer son efficacité“, même si certains retards ont été observés dans la transposition des règlementations jusqu’en mai 2021. Il faut d’ailleurs à ce titre, rappeler que cet audit, a eu lieu en mars 2022, au sortir de la crise inédite de la COVID.

 

Suite à la visite des experts de Moneyval, Monaco avait réagi en créant un comité de suivi chargé de l’adoption des recommandations du rapport Moneyval sous l’autorité du Ministre d’Etat, Pierre Dartout. Le Gouvernement Princier avait alloué un budget important consacré au recrutement d’experts dans différents services de l’administration, notamment du SICCFIN (Service d’Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers). Il avait été décidé d’avoir également recours, à chaque fois que cela était nécessaire, à des sociétés de conseil spécialisées. Le Conseil National avait voté cinq textes de loi en décembre 2022 lesquels portent notamment sur la « saisie et la confiscation des instruments et des produits du crime », « la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme, et la corruption », et « la modification du code de procédure pénale concernant l’entraide judiciaire internationale ». Une évolution législative importante devrait se poursuivre en 2023. En parallèle, un registre des bénéficiaires effectifs a été déployé et un registre sur les trusts devrait voir le jour en 2023. .Enfin, le SICCFIN s’est doté d’un outil nommé « STRIX » depuis le début d’année permettant une approche par les risques et adaptée à la supervision des différents secteurs d’activités assujettis en Principauté.  

 

Le Gouvernement Princier a exprimé sa pleine adhésion aux recommandations formulées dans le rapport de Moneyval. Le nombre de mesures immédiates mises en place afin de se conformer aux meilleurs standards internationaux en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme vient le démontrer.

 

Aujourd’hui, aussi bien les services de l’Etat que le secteur privé sont mobilisés afin de préserver l’attractivité de la Principauté, qui passe notamment par une mise en œuvre des actions recommandées par le rapport Moneyval, et, ainsi, préserver l’excellente réputation de la place monégasque depuis 2009 avec son inscription sur la liste dite « blanche » par l’OCDE en matière de transparence fiscale.

Moneyval étudiera à nouveau le cas de Monaco en décembre 2024.