Les marchands de biens sont des personnes physiques ou morales, qui réalisent pour leur propre compte, à titre professionnel, habituel et spéculatif, des opérations d’achat de biens immeubles, de fonds de commerce, ou de parts sociales de société civile immobilière en vue de les revendre et générer une plus-value, éventuellement en les réhabilitant ou en les revalorisant grâce à des travaux.
Ils se différencient des agents et négociateurs immobiliers dans la mesure où ils sont propriétaires des biens qu’ils revendent, tandis que les deux autres sont des intermédiaires. Le métier de marchand de biens n’est pas statutairement assimilé à un métier immobilier car il n’est pas soumis à la réglementation des professions immobilières. Les marchands de biens ont le statut de commerçant et sont donc tenus par des obligations légales qui y sont liées (inscription au Répertoire du Commerce et de l’Industrie, tenue d’une comptabilité, établissement de comptes annuels...).
La législation avant le vote du projet de loi n°1.064 le 27 juin 2024
En Principauté de Monaco, l’activité de marchand de biens relevait du régime de droit commun d'autorisation et de déclaration d'exercer, prévu par la loi n°1.144, du 26 juillet 1991, concernant l'exercice de certaines activités économiques, modifiée. Elle n'était donc pas régie par une loi spécifique, alors même que les autres professionnels de l'immobilier sont soumis, quant à eux, aux dispositions de la loi n°1.252 du 12 juillet 2002 sur les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce.
La profession bénéficiait d’une fiscalité avantageuse car elle était également soumise à la loi n°1.044 du 8 juillet 1982, au même titre que les ventes publiques de certains meubles corporels et les marchés de travaux, d’approvisionnement ou de fournitures. Au lieu des 6,25% de frais de notaire (1,5%) et d’enregistrement (4,75%) sur la valeur vénale du bien, qu’il convient de régler, les marchands de biens ne payaient seulement que 1,5% correspondant aux émoluments du notaire (les droits d’enregistrement sont exonérés), à la condition de revendre le bien dans les 4 ans, et ce, sans obligation de réaliser des travaux.
Par ailleurs, les marchands de biens disposaient d’une option pour ne pas payer la TVA sur la marge à condition qu’ils renonçaient à la récupérer, notamment dans le cadre des travaux. En résumé, si le montant de la plus-value espérée était supérieur au montant des travaux, il était plus intéressant de s’acquitter de la TVA.
Problématique
Les avantages fiscaux indéniables procurés aux marchands de biens ont provoqué une augmentation exponentielle de leur nombre sur un marché limité et déjà très concurrentiel et, aujourd’hui, la profession est largement surreprésentée en Principauté. Pour preuve, en 2011, il n’y avait que deux marchands de biens immatriculés au Registre du Commerce et de l’Industrie, quand aujourd’hui on en dénombre environ 230 (un pic avait été atteint en 2019 avec environ 300 marchands de biens).
Pour cette raison, le Gouvernement a considéré, d'une part, que ce nombre était suffisant pour permettre de répondre aux besoins de la Principauté et, d'autre part, que l'autorisation de nouveaux acteurs serait susceptible de nuire à ce secteur d'activité, et donc à une partie de l'économie. Sur un territoire de 2 km² et d’environ 20 000 appartements relevant du secteur privé , il apparaissait donc indispensable de contenir cette situation, pour stabiliser le marché et préserver les acteurs économiques concernés. Le Gouvernement a alors confirmé qu'il n'était pas envisageable, à ce jour, d'examiner la possibilité d'ouvrir à nouveau ce secteur d'activité à de nouvelles demandes. Il convient toutefois de préciser que cette limitation ne concerne que les personnes soumises à autorisation. En d'autres termes, celles soumises à déclaration, c'est-à-dire les Nationaux, ne sont pas impactées par cette limitation.
En outre, cette fiscalité avantageuse augmente le risque de spéculation immobilière qui pouvait en résulter. En effet, aucun montant minimal d'investissement n'étant exigé pour la réalisation des travaux de rénovation du bien acquis, il s’est avéré que certains marchands de biens réalisaient des opérations d’achat-revente, sans aucuns travaux ou alors de simples travaux de confort, en revendant le bien avec une marge importante, non taxée.
Cependant, certains rénovent effectivement les appartements avec de belles prestations, proposent des produits clés en main, et contribuent à améliorer le parc immobilier. Ils procurent également du travail aux entreprises du bâtiment, et aux architectes de la place mais jusqu’à présent aucune garantie n’était offerte aux acquéreurs, en dehors de la responsabilité professionnelle des entreprises du bâtiment qui avaient été sollicitées lesquelles n’étaient pas toujours situées en Principauté.
Enfin, la constatation de l’absence totale de recettes fiscales perçues par l’Etat dans la majorité des opérations a également fait réagir le Conseil National.
En raison de tout ce qui précède, il est apparu nécessaire de réglementer l’activité de marchand de biens et de la soumettre à des conditions ou contraintes particulières à l’instar des autres professionnels de l’immobilier, tels que les agents immobiliers.
Le projet de loi voté le 27 juin 2024
Les élus du Conseil National avaient adopté le 10 mai 2021 la proposition de loi n°252 relative à l’encadrement de la profession afin de la réglementer de manière autonome. En effet, selon les estimations réalisées, les recettes supplémentaires générées par ce changement législatif seraient d’environ 20 millions par an. Le 27 juin, ils ont adopté le projet de loi n°1064 issu de la transformation de la proposition de loi n°252 visant à encadrer l’activité de marchand de biens.
En premier lieu, le projet de texte s’articule autour de la création de conditions d’exercice de l’activité :
- obligation, pour le marchand de biens, personnes physiques exerçant en nom personnel et les gérants de SARL, de justifier d’une résidence effective en Principauté (condition à laquelle est subordonnée la délivrance de l’autorisation administrative d’exercer). Pour les personnes morales, il faut qu’a minima 75% du capital social soit directement ou indirectement détenu par des personnes physiques de nationalité monégasque ou justifiant d’une résidence effective à Monaco.
- obligation d’obtenir une garantie financière à première demande auprès d’une banque ou d’un établissement financier habilité à donner caution et ayant son siège ou sa succursale dans la Principauté, et ce au profit exclusif du Trésor du Prince, afin de garantir, en cas de défaillance, le paiement de tout ou partie des droits d’enregistrement dus ;
- obligation, pour le marchand de biens, de justifier de la souscription d’un contrat d’assurance, auprès d’un agent général d’assurances ou d’un courtier en assurances agréé en Principauté, afin de couvrir les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle à raison de l’activité exercée.
En deuxième lieu, ce projet a trait à la modification des droits d’enregistrement en matière de mutation à titre onéreux qui sont les suivantes :
- suppression du régime d’exonération des droits d’enregistrement dont bénéficient actuellement les marchands de biens ;
- instauration d’une exonération de moitié des droits d’enregistrement applicables (selon les cas, ces droits sont de 4,75%, 7,5% ou 10%), sous réserve, pour le marchand de biens, de respecter quatre conditions cumulatives, dont l’obligation de revendre le bien acquis dans un délai de trois ans, avec une prorogation possible d’un an (dont les conditions d’obtention ont été assouplies dans le texte voté), et d’avoir justifié de la conformité du bien aux normes en vigueur notamment électriques et énergétiques. En outre, ces travaux devront être réalisés par des entreprises domiciliées en Principauté. En revanche, et contrairement aux discussions initiales, la condition de réaliser des travaux, par des entreprises domiciliées en Principauté, dont le montant acquitté, toutes taxes comprises, est au moins égal à 5% du prix d’acquisition du bien, n’a pas été retenue.
A défaut de respecter ces conditions, les droits normalement encourus pour l’acquisition du bien devront être intégralement acquittés par le marchand de biens défaillant, lesquels seront augmentés des intérêts au taux légal et d’un droit supplémentaire dissuasif de 5% (contre les 6% initialement prévus).
Le délai de trois ans aura, par ailleurs, pour effet de favoriser le renouvellement du parc immobilier et d’assurer une production régulière des recettes fiscales au profit de l’Etat.
Par ailleurs, afin d’assurer l’effectivité du dispositif, des sanctions administratives et pénales sont prévues en cas de manquements aux dispositions de la loi.
En ce qui concerne les personnes exerçant une activité de marchand de biens au jour de l’entrée en vigueur de la loi, les dispositions projetées portant création d’obligations nouvelles ne leur seront applicables que dans un délai de trois mois à compter de son entrée en vigueur, prévue le 1er septembre prochain, afin de leur permettre de se mettre en conformité.
L’objectif de cette loi est d’une part de protéger et donner des garanties aux clients qui souhaitent acquérir un bien immobilier revendu par un marchand de biens, et d’autre part, d’encadrer la pratique de ce métier qui contribue à produire de la valeur ajoutée et enrichir le patrimoine immobilier monégasque parfois vieillissant. Enfin, les intérêts de l’Etat sont dorénavant mieux préservés grâce à l’accroissement des recettes fiscales que cela va générer et au renforcement de sa politique de conformité.
Cette loi est le fruit d’une réflexion entamée il y a plusieurs années par les professionnels de l’immobilier et qui a fait l’objet de multiples discussions avec le Gouvernement et le Conseil National pour aboutir à ce texte qui se veut équilibré. Malgré les nouvelles règles en vigueur, la loi demeure incitative pour les marchands de biens en exercice (du fait notamment de l’absence de taxation sur la plus-value) et dont la Principauté a besoin, afin qu’ils contribuent au dynamisme de son économie et à l’attractivité de sa place immobilière.
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